J’aime bien ces billets avec des titres un peu incompréhensibles au premier abord, je vous imagine bien vous gratter la tête en vous disant « mais qu’est-ce que c’est encore que ce truc ? de quoi elle veut nous parler ? ».
Le sectarisme alimentaire c’est l’appellation que j’ai choisie de donner à un constat que je fais souvent : plus quelqu’un a perdu de poids, en partant de très haut notamment, plus il a tendance à être rigide avec son alimentation, l’alimentation des autres et les aliments riches en sucre/graisse. Alors ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : tous les « anciens gros » ne sont pas comme ça, heureusement, mais disons qu’en prenant le problème à l’envers, lorsque j’entends quelqu’un me parler « d’aliments à bannir à vie », de « produits de me*de », ou encore et surtout de « c’est sûr qu’en mangeant comme ça il ne faut pas s’étonner qu’elle soit grosse », bizarrement ça provient plutôt d’anciens obèses que de personnes ayant toujours plus ou moins eu la ligne.
Forcément vous commencez à me connaître, ça m’a travaillé les méninges : à première vue ça devrait être l’inverse, c’est « madame ultra mince » qui n’a jamais pris un gramme qui devrait avoir la verbe facile pour balancer sur « les grosses », pointer du doigt leur comportement : si elles grossissent c’est qu’elles mangent trop ou mal, sous entendu « contrairement à moi. Regardez-moi comme moi je mange bien et je suis belle ». Mais en fait pour faire simple, les personnes qui n’ont pas ou peu de problème de poids n’ont pas grand chose à faire des problèmes de poids des autres. Par contre, ce sont plutôt les personnes qui ont dû elles-même faire de gros efforts pour perdre du poids qui pointent du doigt le comportement alimentaire des autres. En réalité c’est finalement plutôt logique, car si elles ont dû faire des efforts, parfois draconiens, il n’y a pas de raison que les autres n’en fassent pas… et si jamais les autres n’en font pas alors « il ne faut pas s’étonner de les voir grossir ». Bref c’est justement parce que, elles, elles en ont bavé que les autres doivent :
A) soit en baver autant qu’elles, donc zéro chocolat, à mort le sucre…
B) soit souffrir parce qu’elles ne font rien contre leur prise de poids.
J’avoue que ça me fait toujours bizarre quand en consultation j’entends ces termes violents comme « bannir » (le nutella :-), « interdire » (les aliments plaisir), … « plus jamais »…
Au travers cette attitude je perçois surtout une insécurité, une espèce de peur de la rechute. Derrière l’interdiction du nutella (pour tout le monde) il y a surtout le « si les autres en mangent, ça risque de me tenter et je ne veux plus me laisser tenter car je ne veux pas revenir au poids où j’étais avant de m’interdire tout ça ». Il y a également le risque de constater que si jamais la personne perds du poids en continuant à manger du nutella ça mettra par terre sa théorie comme quoi c’est justement en bannissant tel ou tel aliment qu’elle a réussi à perdre du poids. Il y a en fait le poids des efforts réalisés pour arriver au poids auquel elles sont arrivées. « Ca serait franchement dégueulasse injuste si d’autres arrivaient au même résultat sans subir autant de contraintes que moi ».
Finalement derrière le sectarisme alimentaire il y a avant tout un trouble du comportement alimentaire, une espèce d’instabilité où l’on sent que jusque là tout va bien parce que je tiens, je suis forte, je ne me laisse pas aller… mais jusqu’à quand ?
Ça n’est pas du tout un comportement apaisé vis à vis de l’alimentation ou de son propre poids. Généralement il suffit d’un grain de sable dans les rouages (problème au travail par exemple…) pour que tout lâche d’un coup et que les kilos maintenus sous contrôle strict jusqu’à présent repartent totalement dans le mauvais sens.
La prochaine fois que vous aurez envie de juger la manière de manger de quelqu’un d’autre que vous, surtout lorsque vous ne connaissez pas grand chose de l’historique – notamment de santé – de la personne (« la grosse à la cantine ») commencez par vous demander pourquoi vous ressentez ça, pourquoi vous avez envie de caser telle personne ou tel aliment dans cette petite boîte bien pratique (mal, mauvais, pas bien), ça n’est pas forcément l’autre qui est en cause.