Dans mon précédent article sur le remboursement des consultations diététiques par la sécurité sociale, je vous évoquais le risque de dérive si tous les diététiciens se mettaient à proposer des consultations de seulement 20 minutes pour tenir dans le forfait de remboursement de 20-25 euros si jamais l’Assurance Maladie les prenait en charge.
Y aurait-il d’autres solutions ?
Je pense qu’une des problématiques de base est que d’un côté on n’a jamais eu autant besoin de métiers de santé liés à l’alimentation, mais de l’autre les moyens en face sont inexistants, que ça soit en hôpital, clinique ou au niveau des professions libérales. Bref, d’un côté on a des diabétiques, des personnes souffrant de maladies graves comme la maladie de Crohn par exemple et de l’autre ces personnes sont souvent sans aide accessible en face d’eux. Le médecin généraliste attitré n’a pas vraiment le temps de mettre en place des modifications profondes des modes de vie (ce n’est pas son travail), et… le « parcours santé » officiel s’arrête là. Le médecin peut orienter vers ces professions para-médicales (psychologue, diététicien…) mais pour le patient habitué à une prise en charge importante de ses frais de santé, le saut est souvent dur.
Là où ça devient d’ailleurs carrément « drôle » (et un peu surréaliste), c’est le cas des interventions de chirurgie bariatrique (sleeve et bypass : réduction ou suppression de l’estomac) : l’intervention chirurgicale est remboursée par la Sécurité Sociale… mais seulement après un suivi psychologique et diététique important… qui eux ne sont pas non pris en charge. En tant que diététicienne, je dois souvent passer plusieurs heures à faire un bilan pour la Sécurité Sociale (via le chirurgien qui regroupe les informations)… bilan qui ne m’est pas payé un centime. On marche un peu sur la tête.
Alors il est clair que dans le but d’un amaigrissement qu’on peut qualifier « de confort » (envie de rentrer dans le maillot de bain avant l’été pour une personne bien portante) il n’y a pas vraiment de raison que la Sécurité Sociale creuse son déficit dans cet objectif. Par contre il y a tout un tas de pathologies graves et reconnues (obésité, diabète…) qui auraient tout intérêt à être traitées le plus tôt possible par les professionnels adaptés, plutôt que de finir année après année par un alourdissement des traitements médicamenteux voir chirurgicaux ! Pourquoi l’État paye t’il des milliers d’euros une intervention chirurgicale qui aurait probablement pu être évitée si quelques années plus tôt on avait remboursé une dizaine de consultations diététiques ? Là le mystère reste entier !
J’évoquais dans mon précédent article le fait du risque de dégradation de la qualité des consultations. Pour l’éviter le diététicien n’aurait d’autre solution que de pratiquer un dépassement d’honoraires (on ne peut pas faire une consultation d’une heure payée 25 euros et manger à la fin du mois). Cela supposerait donc un reste à charge important pour le patient (la moitié environ) mais c’est également là que les mutuelles entrent en jeu. Certaines ont déjà bien compris qu’il était plus pertinent pour elles de rembourser quelques consultations diététiques par an plutôt qu’une intervention chirurgicale ou des médicaments années après année. Si jamais l’Assurance Maladie se mettait à rembourser les consultations diététiques, les mutuelles seraient implicitement obligées de rembourser la part restant à charge (avec leurs classiques manière de calculer : 100% du Remboursement de la Sécurité Sociale, 200%, 300%… tout dépend du contrat du patient). Pour une série de pathologies avérées cela serait quand même fortement appréciable pour les patients.
Bref à l’heure de se positionner, c’est toujours bien délicat, car d’un côté un éventuel remboursement par la Sécurité Sociale risque d’introduire un nivellement par le bas si les diététiciens se mettent à faire des consultations au tarif réellement remboursé, mais de l’autre le besoin est de plus en plus important pour les patients de voir pris en charge des consultations qui deviennent carrément nécessaires du point de vue de la santé publique.
Je serai vraiment curieuse de connaître l’opinion des lecteurs sur le sujet, alors n’hésitez pas à me le faire savoir dans les commentaires.
Bonjour
Je vous rejoins assez sur la vision du sujet, mais je crois que les français sont parfois un peu trop assistés et comptent sur « la sécu » pour prendre en charge tous leurs problèmes. En effet comme vous dites, une fois qu’on sort du parcours balisé de la prise en charge par la sécurité sociale, les patients sont un peu perdus.
Ayant vécu dans pas mal de pays, je peux vous dire que c’est quelque chose de très français. Dans beaucoup d’autres (notamment aux états unis) on n’a pas vraiment cette distinction « gratuit » si c’est la sécu qui paye ou payant si c’est un autre type de professionnel. Par exemple pour tout ce qui est « psy », on choisit LE spécialiste adapté à sa problématique et on allonge les dollars qui vont avec. En france, ça me fait bien rire de voir des gens aller voir des pyschiatres « parce que c’est remboursé » alors que leur pathologie relève bien plus de la psychologie. Nombre de patients ont plus besoin d’une écoute et de temps de réflexion plutôt qu’une dose d’anti-dépresseurs… mais bon comme c’est gratuit… ils vont engorger ces cabinets là au détriment des patients avec des pathologies plus lourdes qui eux auraient besoin de ce temps auprès d’un psychiatre !