Pour une fois, la réponse est facile : non. Les consultations auprès des diététiciennes et diététiciens en libéral ne sont pas prises en charge par la Sécurité Sociale, et ce même si vous avez une pathologie clairement établie comme le diabète.
Néanmoins de plus en plus de mutuelles ont compris qu’elles avaient intérêt à aider les patients à consulter des diététiciens avant que leurs problèmes soient trop graves plutôt que de rembourser des médicaments pendant des décennies. Bref, la première chose à faire c’est de regarder du côté des caractéristiques de prise en charge de votre mutuelle afin de savoir exactement ce qu’elle rembourse et à quelle hauteur. Vous pourriez avoir une bonne surprise.
En fait la vraie question de cet article c’est : la Sécurité Sociale devrait-elle rembourser les consultations diététiques ?
Là tout de suite ça se complique… je vous explique.
Les études scientifiques des dernières années et les méta-analyses des différents travaux autour de l’alimentation ont mis en avant très clairement que toutes les approches basées sur des restrictions alimentaires (des régimes quoi) ont pour seule conséquence une reprise de poids rapide et même des augmentations de poids à long terme (effet yoyo). Donc le rendez-vous avec la diététicienne qui analyse rapidement ce que vous mangez, vous donne 1 semaine de régime à suivre pour perdre du poids et qui vous revoit la semaine suivante, globalement ça n’a strictement aucun intérêt.
De plus en plus il apparaît clairement que le travail à faire est beaucoup plus d’ordre psychologique que purement alimentaire : analyser les raisons qui nous poussent à manger plus qu’on le devrait, revoir en profondeur l’alimentation qu’on a pu avoir étant enfant, remettre en question certains de nos modes de vie… et malheureusement pour tout le monde, ça ne peut pas se faire en une séance de 20 minutes.
Quel rapport avec la Sécurité Sociale ?
D’une manière générale les professionnels paramédicaux (et même certaines professions médicales) dont les frais sont pris en charge et remboursés ont une problématique commune : le plafonnement des prises en charge (X€ par séance) qui a tendance à ne pas du tout s’aligner avec la réalité de leur travail. L’exemple le plus frappant c’est celui du chirurgien dentiste pour qui soigner une carie lui coûte généralement bien plus d’argent que ce qu’il percevra via la sécu. Vous iriez travailler vous si on vous disait par exemple que telle tâche va vous coûter 100 euros en frais divers (essence, péage, pressing par exemple) et qu’on vous paiera 50 ? C’est pourtant le quotidien d’un dentiste. Je ne suis pas là pour les plaindre, ils se rattrapent ailleurs (et ils sont bien obligés), mais pour mettre en avant un système un peu mal fichu.
Peut-être plus parlant, il y a les kinés, dont les remboursements des séances sont également plafonnés très bas. Au bout d’un moment, pour pouvoir vivre de sa profession il n’y a pas d’autre moyen que soit de raccourcir les durées des séances soit carrément prendre plusieurs patients en même temps ! Est-ce vraiment dans l’intérêt du patient ?
Revenons à la diététique. Plus les années passent plus je perçois mon travail comme proche de celui d’un psychologue, même si nous ne travaillons pas sur les mêmes points et que je ne sors pas de mon domaine (chacun son métier), nous avons des approches communes, qui reposent quasi entièrement sur des échanges de qualité, qui demandent du temps. Il n’est pas rare que lors d’une consultation ce soit au bout de 40 minutes de cheminement, de discussion, de questions-réponses… qu’un patient prenne conscience d’un point important, qui changera peut-être à jamais son rapport à l’alimentation. Malheureusement ce déclic ne risque de ne jamais se produire si le cadre d’une consultation diététique devient un rendez-vous de 20 minutes remboursé 20 euros. Certes la profession peut probablement s’adapter, en augmentant la fréquence des consultations, mais cela se fera forcément au détriment du patient : augmentation des trajets, du temps perdu dans les salles d’attente, de la frustration de « mini séances » où on n’a jamais le temps d’aller jusqu’au bout, de creuser, …
Si les rendez-vous auprès d’un psychologue fonctionnent, et ce depuis des décennies, c’est justement par le confort du cadre des consultations : avoir du temps pour discuter, pour échanger, pour réfléchir. Bref sortir de la zone « je suis tout le temps pressée je n’ai pas le temps de penser ». La diététique s’inscrit à mon avis beaucoup plus dans ce cadre que dans celui de la consultation du médecin généraliste « fièvre, courbatures ? Ouvrez la bouche, c’est bien une grippe. Repos, arrêt de travail, ça fait 25 euros, merci au revoir ». Je caricature bien sûr, j’ai beaucoup de respect pour le difficile travail et les longues journées des généralistes, et de nombreuses consultations sont bien plus complexes que ça, mais c’est surtout pour mettre en avant que dans le cas de la diététique l’approche « consultation d’un quart d’heure » n’est à mon sens absolument pas envisageable.
A l’heure de la prise en charge par la sécu, il faut donc bien réfléchir à ce qu’on désire réellement : des consultations « gratuites, fréquentes » mais qui risquent de ne pas trop régler les problèmes d’alimentation ou alors accepter un investissement dans sa propre santé ?